La cession du fonds de commerce exploité en Franchise
Le fonds de commerce exploité en franchise présente certaines particularités dans le sens où on parle bel et bien d’un fonds de commerce du franchisé bien que certains éléments constitutifs du dit fonds ne soient pas sa propriété, notamment la marque et l’enseigne qui demeurent la propriété du franchiseur.
La reconnaissance de la constitution d’un fonds de commerce au profit du franchisé était affirmée par la jurisprudence française, après un certain temps d’hésitation, par référence à l’élément considéré comme principal ou essentiel du fonds de commerce, qu’est la clientèle. L’existence d’une clientèle propre suffit à faire appliquer le statut du fonds de commerce.
Cette affirmation n’est néanmoins pas établie selon la jurisprudence tunisienne, à défaut d’arrêts publiés traitant du cas particulier du fonds de commerce en franchise, mais une lecture par analogie de certaines décisions relatives au FC permet de dire que la solution ne serait pas différente de celle affirmée par la jurisprudence française, dans la mesure où la Cour de Cassation tunisienne n’a pas manqué de rappeler dans des arrêts de principe l’importance de la clientèle comme élément principal et essentiel déterminant l’existence du fonds de commerce, pour ne pas dire « qu’elle constitue à elle seule le fonds de commerce. »
Partant donc du droit du franchisé au fonds de commerce, lorsque les conditions y sont réunies, ce dernier a, par conséquent et en principe, le droit d’en disposer librement même par la cession à un tiers.
Toutefois, la cession du fonds de commerce exploité en franchise, bien qu’elle soit soumise aux mêmes conditions qu’une cession ordinaire (hors réseau de franchise) d’un fonds de commerce (1) , elle présente certaines limites liées justement au contrat de franchise (2) .
1. La cession d’un fonds de commerce exploité en franchise est, comme toute cession de fonds de commerce, soumise aux formalités légales de rédaction et de publicité.
La cession exige, selon l’article 189 bis du code de commerce la rédaction d’un contrat de cession par un avocat en exercice non stagiaire dont il serait mentionné les éléments corporels et incorporels constituant le FC (dont ne doit pas figurer l’enseigne et la marque comme rappelé ci-dessus) et d’autres mentions obligatoires.
La rédaction du contrat se fait suite à une consultation obligatoire du registre de commerce et du registre public des nantissements tenu par un greffe spécial au tribunal de 1ère instance auquel se rattache territorialement le fonds objet de la vente. Le but en est d’informer les parties et notamment le repreneur des éventuels engagements pris sur le dit fonds et de l’absence d’empêchement légal à la rédaction.
Des formalités de publicité sont en outre obligatoires pour permettre aux éventuels créanciers de s’opposer au paiement du prix. Il est à rappeler que, légalement, le repreneur n’achète que des actifs, le passif restant à la charge de la personne cédante (physique ou morale). Or les créanciers se situent justement sur le passif. Ils peuvent réclamer leurs créances et s’opposer au paiement du prix pendant un délai de 20 jours après la publication de la cession dans le journal officiel de la République tunisienne (JORT) et dans un quotidien.
2. Les limites de la cession sont à deux niveaux, puisqu’il y a une limitation de la liberté et de l’indépendance du franchisé cédant dans le choix du repreneur du fonds. Ce dernier, une fois agréé, devra répondre à certaines exigences supplémentaires, non pas du cédant mais du franchiseur.
2.1 Le franchisé cédant est généralement lié par une clause d’agrément qui implique, avant toute concrétisation, l’acceptation du repreneur du fonds par le franchiseur, étant donné que la franchise est considérablement imprégnée par l’intuitu personae et par certaines qualités recherchées dans les membres du réseau.
De ce fait, le cédant doit solliciter l’agrément du franchiseur avant toute signature de contrat de cession de fonds de commerce. Le franchiseur peut dans ce cas, soit agréer le repreneur selon une évaluation discrétionnaire, soit faire jouer la clause de préemption, figurant dans presque tout contrat de franchise, pour se faire substitué au repreneur candidat en offrant au franchisé cédant les mêmes conditions financières proposées.
Le franchisé cédant doit également veiller au respect des autres clauses du contrat de franchise notamment les clauses de non-concurrence ou de non-affiliation post contractuelles.
2.2 Du côté repreneur, la cession du fonds exploité en franchise implique systématiquement la signature d’un nouveau contrat de franchise même si le contrat précédent est en cours.
Généralement le nouveau contrat de franchise signé avec le repreneur reste identique au précédent, mais rien n’interdit qu’il soit modifié dans un sens ou un autre selon les exigences de la nouvelle relation.
Il importe toutefois de préciser que le preneur pourrait être amené à payer au franchiseur un nouveau droit d’entrée, dans la mesure où le droit d’entrée initialement payé par le franchisé cédant ne fait pas partie de la cession du fonds de commerce. De ce fait, outre le prix payé au franchisé cédant au titre du fonds, le repreneur doit être en mesure de négocier un droit d’entrée à payer au franchiseur au titre des frais de gestion de l’intégration et les formations obligatoires.